Par Malika Boussouf, journaliste algérienne.
13 juin 2020
Les femmes de mon pays se construisent, dans leur grande majorité, à l’intérieur d’un univers sous contrôle. Le seul dans lequel il leur est permis de s’exprimer, de se mouvoir sans insister sur leurs attentes ni sur la profondeur de leurs rêves. Il y a celles qui construisent leurs rêves et se battent pour les concrétiser. Il y a celles qui subissent et celles qui adoptent un comportement masculin . Celui de ces hommes auxquels elles pensent pouvoir ressembler et qui n’ont pas d’autres perspectives que celles de se sortir de leur condition .
D’une manière ou d’une autre et quelque soit les moyens adoptés , il y a l’idée de s’émanciper . Quel que soit le moyen utilisé pour atteindre ses objectifs , y compris le plus brutal, il y a derrière , lui, une volonté d’échapper à la soumission. Les sociétés patriarcales sont violentes . La philosophie qui construit et renforce le pouvoir du monde masculin est violente . Quand la force qui domine, puise vigueur et sens dans l’énergie que cultivent les femmes pour s’en sortir , elle explique le retard mis à conquérir des droits qui à l’origine leur sont interdits.
Redoubler d’efforts pour faire admettre les capacités d’une femme à occuper le même poste et à accéder à une part de ce pouvoir que dans les pays conservateurs comme le mien il n’est pas pensable d’en concéder ne serait qu’une infime partie . Le respect des droits des femme restera un leurre tant que le code de la famille qui réduit le statut de la femme algérienne à celui d’une sous citoyenne règnera sur ses libertés . Un problème se pose souvent . Les femmes qui décrochent des postes, traditionnellement réservés aux hommes, sont celles qui servent de caution au pouvoir misogyne qui règne à la fois sur le pays et sur la famille . Certes, l’Algérie ratifie les textes internationaux qui consacrent les droits des femmes. Mais, les hommes qui disent adhérer à ces mêmes textes en font à leur tête chez eux. Parce que dans la réalité, les instances internationales qui appellent au respect de ces lois ont d’autres chats à fouetter qu’à veiller à leur application effective .
Vous vous dites que la pandémie et le confinement qui contraint les hommes à rester à la maison va leur faire prendre conscience de ce que vivent leur épouse , leur mère , leur sœur ou leur fille quand la décision de les enfermer vient non pas des pouvoirs publics mais d’eux-mêmes . Seuls ceux qui n’exploitent pas à leur profit les odieuses recommandations d’une charia ennemie des femmes n’ont aucune raison de culpabiliser . Mais, la majorité des hommes n’a aucune raison de s’inquiéter pour le pouvoir qu’elle détient sur le genre féminin , puisque les codes construits par les hommes pour les hommes ne sont pas remis en cause .
Les gardiennes du temple, elles, sont agacées d’être scrutées dans leurs faits et gestes intra muros et contrariées que les hommes soient contraints de leur tenir compagnie.
Dans un pays où une femme ministre invite celles de ses congénères qui occupent de hautes fonctions et autres postes de responsabilité à faire don de leur salaire au pouvoir, pour aider à surmonter la crise, puisque de toutes manières ce sont les hommes qui subviennent aux dépenses du foyer, il reste beaucoup de chemin à faire et de luttes à mener pour imposer des droits confisqués par une organisation sociale archaïque . Celle inspirée par la charia islamique et qui lors d’un divorce ou d’un héritage , vole au secours d’hommes qui alors qu’ils se vantaient d’être ouverts d’esprits et légalistes, se souviennent que la religion leur donne des droits et a tranché à leur profit.
Lorsque l’on déconfine, elles foncent dehors respirer un air autre que celui auquel elles sont conditionnées . On vous dira « voyez comme elles sont libres » . Elles vont faire les centres commerciaux librement . Ce que l’on ne vous dira pas c’est que le voile qui n’a rien de traditionnel et contribue à l’enfermement des femmes, les autorise à aller dehors puisque même dehors elles sont confinés dans un hidjab qui emprisonne leur corps et restreint leurs libertés .
Comment la COVID-19 affecte-elle votre pays?
Le Covid-19 nous est tombé dessus comme une malédiction. La pandémie avait , atteint les régions les plus reculées de la planète alors que les responsables politiques hésitaient encore à donner l’alerte. Comment penser dès lors qu’en Algérie, un pays où le pouvoir , autoritaire n’est transparent sur rien, allait se comporter autrement ? En Algérie, les hauts responsables se méfient de tout ce qui menacerait la pérennité du système. Ils ont peur de la critique extérieure et ils ont peur des populations dont ils préfèrent ne pas affronter la colère.
En d’autres temps , j’aurais dit que le premier réflexe du pouvoir algérien est de surfer sur la vérité pour éviter la réaction de la rue qui lui a démontré depuis février 2019 qu’elle ne se laisserait plus manipuler. Aujourd’hui , je vais dire avec certitude que la pandémie est venue à point nommé pour sauver ce qui restait au système comme énergie pour résister aux coups de boutoir d’un mouvement populaire très remonté contre lui . Des algériens par centaines de milliers qui occupaient la rue et réclamaient depuis plus d’une année le départ d’un système décrié de toutes parts et un changement radical pour plus de démocratie, plus de droits , plus de justice, plus de liberté , l’indépendance de la justice et de la presse , la fin des inégalités entre les hommes et les femmes, bref un bouleversement total des comportements politique, économique , social et culturel.
Lorsque la Chine, d’où le nouveau coronavirus est parti, s’est enfin décidée à rendre publique la situation effroyable dans laquelle certaines de ses régions étaient plongées et la vitesse à laquelle le Covid-19 progressait et décimait les habitants de ces régions et que l’on a commencé en Europe et aux Etats Unis à parler de ce mal étrange qui décimait des populations entières, en Algérie, les hauts responsables ont commencé par se montrer prudents et garder le silence . Mais après s’être brièvement demandé comment faire face aux risques de contamination, le président récemment élu et son entourage tous issus de l’ancien système ont vite réalisé que la Covid -19 arrivait à temps pour mettre un frein à l’occupation de l’espace public par des jeunes et des moins jeunes qui contestaient son autorité. Le 16 Mars, lorsque l’on a annoncé la fermeture des frontières et l’arrêt du trafic aérien, des cas avaient été détectés à Blida , à 50 kms au sud ouest d’Alger. Les autorités ont compris qu’elles tenaient là l’occasion inespérée de mettre un terme à la contestation. La Covid-19 leur a offert la raison la plus crédible qui soit puisqu’elle est venue de façon inattendue menacer la vie des femmes et des hommes qui occupaient la rue pacifiquement mais sans faiblir, pour exiger qu’ils « dégagent tous » . Suspendre les marches ! Ce que le pouvoir n’a pas pu obtenir par la répression et les arrestations continues , la pandémie l’a obtenu pour lui .
La pandémie a couru au secours d’un système moribond . A croire que dans un monde émergent comme le mien , les accidents de la nature ou de laboratoire ne servent ni la précarité ni le désespoir . Les pouvoirs autoritaires sont les seuls à en tirer profit . Grâce au coronavirus , les forces en puissance continuent de régner injustement sur les couches les plus défavorisées qui trouvaient un exutoire dans l’occupation des rues de tout le pays et avaient réussi à ébranler les certitudes d’un système que l’on a pensé finissant . La Covid -19 a pénalisé doublement les algériens en les privant de ce regain de vitalité plein de promesses . Pour l’instant , les responsables du pays qui ont réussi le tour de force de suspendre toutes les manifestations de rue ont pris d’autres mesures attentatoires aux libertés . Journalistes et militants des droits de l’homme et animateurs du Hirak, le mouvement populaire, sont arrêtés chez eux en absence de témoins et jetés en prison . C’est comme si le pouvoir ne sachant pas de combien de temps il dispose grâce au Coronavirus , voulait en museler un maximum pour tuer la contestation et ramener les algériens à l’état de léthargie dans lequel ils vivaient depuis des décennies.
Avec un prix du baril qui, même s’il remonte un peu parce que la production a baissé au niveau mondial, un pays comme le mien, dont l’économie repose à 95% sur ses recettes en hydrocarbures, est encore plus fragilisé par les difficultés que le monde rencontre actuellement. L’information au sens large est prise en otage par les tenants du système . Son contrôle est encore plus sévère lorsqu’elle concerne la propagation du virus. C’est plus aux réseaux sociaux que l’on doit une photographie de la réalité avec des témoignages et des compte rendus que l’on pense plus crédibles que les communiqués officiels . La presse indépendante, elle, fait avec les moyens dont elle dispose, c’est-à-dire très peu de moyens tout en faisant attention de ne pas s’exposer aux représailles.
Lorsque j’ai contracté le coronavirus , j’ignorais totalement de quoi il retournait . Entre fin Décembre et la mie Janvier dernier , j’ai rechutée trois fois de suite. Cela fait plus de 20 ans que je me vaccine et que je suis protégée au moins en partie. Je n’ai jamais été aussi malade . Anti histaminiques , corticoïdes , antibiotiques, paracétamol, spray nasal , spray pour la gorge …Rien n’a été négligé mais rien n’a arrêté le mal de gorge, les éternuements, les sécrétions nasales , la fièvre entre 39,8 et 40 degrés pendant 4 ou 5 jours , les courbatures, la grosse fatigue qui vous terrasse et plaque au lit et le sentiment fort que vous n’allez pas vous en sortir et qu’après trois rechutes successives vous regardez votre vie défiler devant vous convaincus que c’est la fin .
Comment imaginer que ce dont je souffrais était viral ? C’est un ami professeur en réanimation qui en appelant pour les vœux de la nouvelle année m’a parlé de virus , expliqué ce que j’avais et recommandé d’arrêter l’automédication , de rester au lit, de ne plus rien prendre comme traitement à l’exception de tisane, de citron et de miel en attendant d’aller mieux . Le tout aura duré dans les trois semaines mais la fatigue, elle, ne vous quitte pas. J’aurai donc vécu le confinement avant qu’en Algérie il soit question d’un quelconque coronavirus. Bien plus tard , lorsque j’ai écouté les spécialistes expliquer en quoi consistait la maladie , j’ai fait le lien et compris ce qui m’était arrivé .
Quel impact social et économique, ou autre souligneriez-vous de cette pandémie sur les différents groupes de femmes ?
La mendicité est devenu une affaire de femmes. Elles sont plus nombreuses à tendre la main et souvent accompagnées par de jeunes enfants. Parfois par des adolescentes qui même voilées tournent le dos aux passants tandis que la mère en appelle à leur générosité.
Les images de ces jeunes filles aux rêves confisqués par une rue souvent indifférente ou qui n’a pas les moyens adéquats pour les sortir de là et faire renaître en elle l’espoir d’une vie meilleure sont extrêmement violentes. Il y a celles défavorisées par la polygamie légalisée par le code de la famille issu de la charia islamique et qui se retrouvent livrées à la rue et à ses dangers par un mari qui en a épousé une autre. Lorsqu’elles ne trouvent pas de foyers pour abriter leur dénuement, beaucoup d’entre elles s’installent aux environs d’une mosquée pour bénéficier d’une protection hypothétique qui ne remet cependant pas en cause les droits masculins dictés par le droit musulman.
Mais la rue n’abrite pas seulement celles qui ont perdu le droit de vivre dignement. Parmi les femmes qui mendient, il y a celles qui sont mises sur le trottoir par un mac qui veille au grain pas loin de là. Qu’elles mendient ou se prostituent , toutes sont voilées pour se protéger du regard d’autrui et ne pas être reconnues quand ce n’est pas pour couvrir les traces de coups qu’elles prennent par celui qui a remplacé le mari. Un époux violent qui dans l’entretemps a refait sa vie sans prendre la peine de faire notifier le divorce, par le père de la victime qui soit ne partage pas la logique qui voudrait que sa fille puisse réclamer ses droits en toute légalité, soit n’a pas les moyens de prendre en charge la fille et les petits enfants ou par le frère qui détourne le regard du drame que traversent sa sœur et ses neveux convaincu que cette dernière a mérité ce qui lui arrive .
Les raisons qui exposent à l’injustice ces femmes qui voient leur vie basculer du jour au lendemain sont aussi multiples que bouleversantes. Elles n’iront pas pour la plupart d’entre elles déposer plainte contre leurs agresseurs. Elles sont terrorisées par la violence à laquelle beaucoup d’entre elles ont préféré l’hostilité de la rue sauf quand elles sont prises en charge par des associations féminines. Souvent, hélas, quand il est trop tard , ce dont elles ne sont pas responsables. Des associations qui à force de pédagogie leur font prendre conscience du danger qu’il y a à se taire face à la situation insupportable et sans issue dans laquelle les auront mises les hommes de leur vie.
Comment cette pandémie et la situation qu’elle génère affectent-elles les cas de violence contre les femme? Le gouvernement de votre pays a-t-il pris des mesures concrètes?
En temps normal et alors qu’elles sont libres de déposer plainte pour violences conjugales, elles le font rarement pour échapper aux représailles de celui auquel la charia islamique octroie tous les droits et qui au sein du foyer s’impose comme le détenteur suprême de l’autorité après Dieu.
À force de prendre des coups, contraintes et forcées à l’obéissance par un code de la famille répressif , elles acceptent, en majorité, la domination d’un homme conscient du pouvoir que lui construit au quotidien une société, aussi conservatrice que la société algérienne, et gardent le silence parce que ce qu’on leur offre en échange, si elles déposent plainte contre leurs agresseurs, ne les sécurise pas assez. La pandémie n’a pas arrangé les choses pour celles qui étaient déjà réduites au silence au point de renoncer aux droits légitimes d’un genre discriminé, jusqu’à l’usure et la désespérance, mais qui ne renonce pas totalement, grâce aux associations qui le défendent , à réclamer la consécration de ces derniers.
En vérité , il y a celles qui s’inscrivent dans une quête inlassable de leurs droits et celles qui vous tirent vers le bas, parce qu’elles pensent que la soumission et le compromis sont les meilleurs moyen de sauver leur peau. Les résistantes, comme on les appelle, parce qu’elles se revendiquent du courage et de l’engagement de leurs aînées qui ont sacrifié leur vie pour l’indépendance du pays, préfèrent franchement la lumière et se battent pour porter, vers le haut, y compris, les femmes qui creusent leurs propres tombes. Celles qui, inconscientes du mal qu’elles font à d’autres femmes, se rangent dans le camp opposé avec lequel elles complotent contre elles mêmes . Cette violence, et elle n’est pas la seule, n’est pas une vue de l’esprit. Entre ceux qui pensent qu’elle est salutaire et l’infligent à leur entourage féminin convaincu de faire œuvre utile et celles qui la subissent sans oser protester par crainte des conséquences, il y a une marge difficile à enjamber. La pandémie aggrave la violence dans une société qui prétend le contraire. Une communauté qui n’est pourtant, pas dupe mais, qui ne dit mot sur le fait que les femmes soient conditionnées dès l’enfance à prendre des coups. Ce qui, plus tard, ne contredira pas le comportement que l’on adoptera , à leur égard, à la maison , au boulot , dans la rue, à l’école ou à l’université .
L’espoir est porté par celles qui contestent le pouvoir des hommes et que l’on voudrait, sans doute, voir évoluer ailleurs. Mais, elles sont là et elles font un pied de nez à toutes ces autres impitoyables gardiennes du temple qui voudraient imposer que l’on prenne d’abord l’autorisation avant d’aller taquiner les mêmes espaces , les mêmes terrains d’intervention conçus pour servir, exclusivement, le confort masculin.
Les algériennes qui ne dérogent pas aux règles développées par le combat féministe, continuent de faire l’inventaire des abus masculins pour mieux les contester.
Pour celles qui résistent et œuvrent, infatigables, à l’émancipation de leurs concitoyennes et contre la tendance, toujours d’actualité dans le camp féminin, à faire profil bas face aux codes misogynes qui nous sont imposés et que le conservatisme réactionnaire enrichi au fil du temps, il n’est pas question de renoncer à la lutte.
Beaucoup d’entre les pourfendeurs de la liberté à laquelle aspirent les femmes qui se battent pour y accéder n’ont rien inventé. Ils puisent leur morgue dans une psychologie sociale de bazar qui vulgarise à souhait et aide à la construction du discours anti féministe .
La pandémie ralenti le combat mais n’empêche pas d’échanger et de faire le point sur les luttes qui restent à mener afin que soit , enfin, consacrée l’égalité des droits entre les hommes et les femmes. Pour que soient sévèrement abolies les injustices faites à ces dernières et que soient corrigées les lois qui réduisent le statut des femmes algériennes, à celui de mineures à vie.
Beaucoup parmi le personnel politique ne le disent pas à haute voix mais n’en pensent pas moins . Ils aiment affirmer, à propos de ce que les femmes dénoncent, qu’il s’agit de futilités et qu’il y a plus urgent surtout en ces temps de Covid-19 et de crise sociale , politique et économique.
Les problèmes d’égalité hommes/femmes se posent encore plus violemment lorsqu’il est question de religion et que celles ci font la tentative de s’emparer du pouvoir que s’octroient les hommes en son nom .
Depuis que ces dernières ont dit « non » au code de la famille, voté en Juin 84, y compris, par des femmes et se sont élevées contre un texte qui réduisait à néant leur volonté d’émancipation, on n’a pas cessé de considérer que leurs attentes étaient trop agressives pour mériter d’être prises en compte dans l’immédiat. Des attentes auxquelles on trouve toujours des raisons saugrenues pour les renvoyer aux calendes grecques!
Comment les collectifs de femmes agissent-ils?
Pas d’activité partisane. Les partis politiques alliés ou opposant ont suspendu leurs activités , les collectifs de femmes qui en temps normal travaillent à secourir les femmes en détresse ont mis leurs actions spécifiques aux femmes entre parenthèses. Certaines ont rejoint les groupes qui se portent au secours des sans domiciles fixes dont les contraintes du confinement ont aggravé la situation.
Le confinement n’est pas une réplique de ces rencontres traditionnelles au sein du foyer mais, la continuation d’une lutte , fut-elle entretenue ur un mode pacifique, engagée depuis l’enfance entre garçons et filles qui reproduisent un schéma sans se douter de son impact sur le développement quotidien , encouragé par la rue et le comportement à adopter qu’elle rappelle pour son propre équilibre.
Les sociétés organisées sur le mode patriarcal n’ont jamais été aussi explicites à propos de ce qu’elles réservent, depuis la nuit des temps, comme tâches exclusives au genre féminin.
On ne cesse, depuis le début du confinement , d’entendre gémir , à voix haute et sans gêne aucune, la gent masculine. Il faut dire que le mode d’organisation sociale cité plus haut fonctionnait tellement bien ! La société machiste au point de ne plus savoir quoi faire de sa testostérone, a décidé d’un partage définitif des tâches et de sa détermination à ne céder à aucune remis en cause. Et il aura fallu que le coronavirus vienne déranger les rigueurs du conservatisme ambiant. Dans la foulée , la pandémie s’est faite entendre y compris là où on ne l’attendait pas.
Sans crier gare , elle est venue faire son effet , ajoutant son grain de sel au malaise alimenté par les difficultés de la vie . Un quotidien aggravé par les menaces d’une récession qui plane sur un pays où les hommes s’étaient , évidemment, réservé les rôles les plus valorisants parce que prétendument musclés. Pas dévolus aux mauviettes de femmes. Fragiles donc, mais, pas lorsqu’entre autres elles portent et donnent la vie. Dès le début du confinement on a entendu les hommes se plaindre de leur enfermement et de la difficulté à faire le ménage et à nettoyer un peu partout . Quand pour contourner l‘ennui, ils consentent à jouer les fées du logis en partageant les tâches domestiques , ils vou gratifient d’un : « Si je continue sur cette lancée , ma femme n’aura qu’à bien se tenir. Le roi du ménage que je deviens va bientôt ^porter la gandoura » ( robe d’intérieur traditionnelle que portent les femmes au foyer ) !
Comment la population est-elle informée de la pandémie par les médias et quelle est la situation des journalistes ?
Bouteflika , l’ex Président déchu , que la rue a contraint à la démission faisait un rejet violent de tout ce qui représentait la presse. Une presse qu’il traitait par le mépris et avec laquelle personne avant lui n’avait été aussi violent. Les convocations au tribunal du mardi qui se sont étalées aux autres jours de la semaine. Mais il n’est plus question de lui demander son avis sur la question.
Les journalistes étant habitués à être maltraités ne se sont pas fait, d’illusions sur le pouvoir qui a remplacé Bouteflika parce que issu du même système. La preuve que les pratiques répressives n’ont pas changées et qu’elles se sont même accentuées , des journalistes de médias indépendants ont été arrêtés et croupissent en prison pour délits d’opinion et pour atteinte au moral des troupes et à la solde d’organisations étrangères qui travailleraient selon ce même pouvoir qui se voudrait de plus en plus autoritaire, à déstabiliser le pays. Je le dis sans pour autant me réjouir à l’avance .
Cette même presse qui a servi de rempart à l’intégrisme islamiste fait aujourd’hui l’objet de maltraitances de la part d’un système qui n’a pas l’intention de changer et encore moins de renoncer à ses privilèges. Je ne parle évidemment pas des pseudos journalistes qui officient dans ces chaines intégristes financées par l’Arabie saoudite et les pays du golfe . En général , elles ne craignent pas grand chose parce qu’elles se sont mises dès leur création au service des hommes forts du pays. Journalistes et activistes du mouvement de contestation populaire sont privés de liberté et de droits par une justice aux ordres sur injonction d’un pouvoir que la pandémie ne pouvait pas mieux servir.
Quel est le rôle des fake news dans cette pandémie ?
Comme partout ailleurs, les fakes news dont le but est de semer le doute dans la tête de gens auxquels on annonce brutalement qu’ils vont devoir renoncer à leur liberté de circuler , de travailler , de s’enlacer, de s’aimer ou de partir en vacances .
Dès lors que l’on invite les individus à rester chez eux et à restreindre le contact qu’ils ont avec l’extérieur à sa plus simple expression, ces derniers vont se focaliser sur toute information qui en contredisant les communiquer officiels va les rassurer. L’information transparente lorsqu’elle révèle la gravité d’une situation et les dangers qu’il y aurait à désobéir aux recommandations qui se transforment rapidement en ordres, n’est pas la bienvenue. L’intérêt que beaucoup éprouvent à s’en remettre aux Fake news relève presque du mécanisme de défense que l’on développe par instinct de survie. Et lorsque les fausses nouvelles prennent une teinte locale , elles gagnent en crédibilité tout en causant les dégâts prévus par leurs concepteurs. En Algérie, les Fake ont un sérieux impact sur des citoyens qui voulaient en découdre avec le pouvoir en place dont ils voulaient le départ. Ils ont dû renoncer à leurs marches hebdomadaires pour ne pas favoriser la contamination et exposer la rue à un Covid-19 dont on ignore tout mais dont on soupçonne qu’il a été fabriqué pour nuire . Créé par des laboratoires étrangers à la solde du capitalisme mondial et du pouvoir de l’argent ou pour accentuer la dépendance des pays émergents quand ce n’est pas pour permettre aux puissances internationales de se faire la guerre et d’affirmer leur puissance par la voie bactériologique. Tout y passe pour peu que cela permette de garder en mémoire toutes les raisons du rejet populaire .
Tout ce que vous pensez qu’il est important de nous dire sur la situation actuelle que vous vivez dans votre pays.
Il y aurait beaucoup à dire à propos de ce dispositif autoritaire au sein duquel des responsables , qui ont le pouvoir d’influer sur l’évolution, même relative d’une société, passent leurs journées et leurs nuits à se torturer les méninges pour trouver le moyen le mieux adapté aux crasses qu’ils feront à la personne ou aux groupes d’individus qu’ils auront pris pour cible. Parce qu’ils utilisent les réseaux sociaux pour dénoncer la gabegie ambiante et la mauvaise gestion de leurs départements ils sont arrêtés, jetés en prison sans jugement au motif qu’ils auraient conspiré contre l’autorité de l’Etat.
Prétendre, toute honte bue, réapprendre la démocratie à des organisations internationales qui veillent au respect des droits de l’homme dans des pays comme le mien , autrement dit, à un Occident qui ose interpeler le pouvoir algérien sur ses tendances à réprimer les libertés, révèle le chemin qu’il reste à faire à ce dernier avant qu’il accepte de se ranger à la raison, voir d’épouser les comportements que l’on encourage ailleurs , relève du mensonge éhonté. Déclarer, effrontément, qu’en Algérie on s’exprime librement et sans jamais être « inquiété » par des forces de l’ordre qui encadrent pacifiquement la contestation à travers des marches hebdomadaires, tandis que l’armée veille aux frontières sur la sécurité du pays relève, également, d’une parfaite démagogie destinée à tromper le regard extérieur .
Comment appelle-t-on, déjà, ce conte où le père fume sa pipe au coin du feu, où la grand-mère raconte des histoires aux enfants pendus à ses lèvres et où la maman fait du tricot en préparant un délicieux pot au feu?
Il n’est pas interdit de rêver et ces déclarations n’ont pas vocation à jouer les rabats joie. Il n’est pas question de s’opposer aux rêves parce que c’est la seule chose que l’on ne peut pas anéantir chez autrui. Lorsque les attentes progressent, elles se callent, inévitablement, sur les illusions de chacun ou au moins s’en approchent. Ce sont ces mêmes rêves qui alimentent la faculté de traiter par le mépris, la succession d’assertions qui jettent le discrédit sur les luttes menées ici et là . Quand un homme dispose d’un auditoire, béat, auquel il sert les insanités qu’il estime bonnes à entendre et à avaler et que des femmes qui réclament leurs droits sont embarquées au motif qu’elles troublent l’ordre public et font tâche dans le paysage, cela signifie qu’il ne faut, surtout, pas lâcher prise.
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